L’importance du dialogue social pour le développement des compétences

Compte tenu des défis liés à la transformation numérique et à la transition vers une économie verte, le monde du travail est en pleine mutation. Les besoins en compétences évoluent constamment – dans certains cas de manière marginale, mais dans d’autres de façon radicale, et ces changements ont un impact significatif sur l’emploi et la demande d’emploi.

Les métiers comportant des tâches routinières disparaîtront et/ou seront automatisés, et la reconversion des employés vers de nouveaux métiers sera nécessaire. Dans d’autres cas, de nouvelles tâches seront ajoutées aux professions existantes, exigeant un perfectionnement relativement modeste. Par ailleurs, de nouveaux métiers, tels que ceux de technicien d’éoliennes et d’ingénieurs en robotique, seront lancés, et cela nécessitera à long terme le développement de compétences approfondies et la mise en place de nouveaux parcours de formation.

Il existe manifestement un besoin global pour davantage de formations professionnelles, qu’elles soient initiales ou continues, et il sera essentiel que celles-ci répondent aux besoins des employeurs, mais aussi des travailleurs.

Afin de répondre de manière adéquate à ces défis, les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs doivent s’engager dans un vaste programme de perfectionnement et de reconversion des compétences initiales. Comment vont-ils le faire ? Comment prendront-ils des décisions pour garantir que les intérêts des employeurs et des travailleurs seront protégés ?

Généralement, la meilleure voie pour sauvegarder les intérêts des employeurs et des travailleurs est de passer par un processus de dialogue social qui, selon l’Organisation internationale du travail, fait référence à tous les types de négociation, de consultation ou simplement d’échange d’informations entre ou parmi représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs.

Le dialogue social peut avoir lieu à différents niveaux : au niveau international, au niveau européen, au niveau national, au niveau sectoriel, au niveau de l’entreprise. Cela peut prendre la forme de l’adoption d’instruments juridiques soutenant des stratégies de développement de compétences, de la négociation de conventions collectives et de la participation à des organes de réglementation et/ou consultatifs.

Cet article vous donne un aperçu des différentes manières dont le dialogue social peut contribuer à façonner le développement des compétences.

Niveau international

Un exemple récent de dialogue social au niveau international à fort impact a été l’adoption l’année dernière de la Recommandation sur les apprentissages de qualité (R208) par la Conférence internationale du Travail tripartite. Cette Recommandation comprend une série de chapitres faisant référence au cadre réglementaire pour un apprentissage de qualité, à la protection des apprentis, au contrat d’apprentissage, à l’égalité et à la diversité, à la promotion des apprentissages et à la coopération internationale.

Bien que relativement peu nombreux, il existe également des exemples d’accords-cadres mondiaux relatifs à la formation et au développement des compétences qui ont été négociés par des fédérations syndicales internationales et des entreprises multinationales. Un exemple en est l’accord bipartite signé en 2023 par le Crédit Agricole – la multinationale bancaire – et UNI Global Union, qui comprend un engagement en matière de formation.

Niveau européen

Faisant suite à un accord entre la Confédération européenne des syndicats et trois associations patronales européennes, le Conseil européen a adopté en 2018 une Recommandation relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité.

Un exemple d’un accord bipartite est fourni par l’entreprise Safran – la multinationale aérospatiale – et industriAll Europe – le syndicat européen du secteur manufacturier. Il s’articule autour de l’anticipation des besoins en compétences, la formation et l’accompagnement de la mobilité professionnelle. L’accord fixe, pour la première fois, un objectif chiffré en matière de formation. Enfin, en cas de difficultés économiques pouvant avoir des conséquences sur l’emploi, des mesures d’adaptation et d’accompagnement seront mises en place en vue de favoriser le maintien dans l’emploi des salariés.

Niveau national

Au niveau national, en Allemagne, le gouvernement et les partenaires sociaux ont signé l’Alliance pour la formation initiale et continue 2023-2026, qui fait suite à d’autres stratégies tripartites pour 2015-2018 et 2019-2021.

Un groupe souvent négligé est celui des stagiaires, et aux Pays-Bas, le gouvernement et les partenaires sociaux ont négocié un « Pacte de stages 2023-2027 » novateur qui se concentre sur quatre thèmes spécifiques : l’amélioration de l’offre de stages, l’élimination de la discrimination en matière de stages, la fourniture d’un nombre suffisant de stages, la disponibilité d’une rémunération appropriée.

En général, le moyen le plus répandu dont disposent les partenaires sociaux pour façonner les systèmes et les politiques de compétences est leur participation aux organismes de formation tripartites, qui sont généralement coordonnés par différents ministères au niveau national. Ces organismes existent, par exemple, en Autriche, en Bulgarie, au Danemark, en Espagne, en France, en Norvège et en Suisse.

Et aussi au Luxembourg, où le comité consultatif à la formation professionnelle à caractère tripartite est appelé à émettre son avis préalablement à la prise de mesures nécessaires dans le cadre de la formation professionnelle initiale et de la formation professionnelle continue pour établir une meilleure adéquation entre les objectifs de la formation professionnelle et les besoins des différents secteurs de l’économie luxembourgeoise.

Au Luxembourg, le système de la formation professionnelle initiale est organisé de manière tripartite par le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, la Chambre des salariés et les chambres patronales (Chambre de commerce, Chambre des métiers et Chambre d’agriculture). Les partenaires assurent la conception, l’organisation et la surveillance de l’apprentissage dans les professions commerciales et administratives, dans l’artisanat, l’industrie, l’hôtellerie et l’agriculture au sens large. Les chambres salariale et patronales contribuent à l’organisation de l’enseignement technique et professionnel et sont présentes dans nombreuses commissions et comités nationaux qui relèvent du domaine de la formation.

Niveau sectoriel

Par ailleurs, en Italie, les partenaires sociaux du secteur métallurgique ont négocié en 2021 une convention collective de grande envergure, qui comprend un volet sur la formation professionnelle, et plus particulièrement des clauses sur l’apprentissage, les commissions de formation en entreprise et les conseillers en formation en entreprise. Dans le secteur chimique, ils ont négocié un accord avec une section sur la formation, dans lequel il a été décidé de créer un Comité national bipartite dans le secteur du textile, de l’habillement et de la mode, qui fournirait des informations utiles pour maximiser et promouvoir la qualité et l’efficacité.

Au niveau sectoriel, il existe les organismes de formation bipartites, comme au Danemark, en France et en Italie. En France, par exemple, les Opérateurs de Compétences ont pour mission, entre autres  :

  • d’assurer le financement des contrats d’apprentissage et de professionnalisation, selon les niveaux de prise en charge fixés par les branches professionnelles ;
  • d’apporter un appui technique aux branches professionnelles pour :
    • établir la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences ;
    • déterminer les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage et des contrats de professionnalisation ;
    • les accompagner dans leur mission de certification ;
  • d’assurer un service de proximité au bénéfice notamment des très petites, petites et moyennes entreprises, permettant :
    • d’améliorer l’information et l’accès des salariés de ces entreprises à la formation professionnelle ;
  • d’accompagner ces entreprises dans l’analyse et la définition de leurs besoins en matière de formation professionnelle, notamment au regard des mutations économiques et techniques de leur secteur d’activité.

Au niveau de l’entreprise

Dans certains pays, tels que l’Allemagne et la France, le dialogue social se poursuit au niveau des comités d’entreprise.

En Allemagne, selon la loi, l’employeur et le comité d’entreprise, composé de représentants élus par les travailleurs, doivent promouvoir la formation professionnelle du personnel dans le cadre de la planification de la main-d’œuvre de l’établissement et en collaboration avec les organismes compétents pour la formation professionnelle et pour la promotion de la formation professionnelle. À la demande du comité d’entreprise, l’employeur doit déterminer le besoin de formation professionnelle et le consulter sur les questions relatives à la formation du personnel.

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Comme nous l’avons vu, il existe de nombreux exemples de la manière dont les organisations d’employeurs et de travailleurs en Europe peuvent, via le dialogue social, jouer un rôle important dans le développement des compétences. Toutefois, pour y parvenir, ils doivent tous les deux disposer d’une stratégie claire et de représentants qui ont le temps, l’engagement et l’expertise technique nécessaires pour arriver à une solution mutuellement conciliable.